Indispensable

De tous les bénévoles, c’est lui qui a la plus belle vue. Les pieds dans l’eau, à deux pas du rivage, les voiliers au mouillage et la mer pour décor. Un peu planqué derrière le QG des bénévoles, à l’abri de la foule, face à la mer. Une chaise en plastique, une table. Dessus, un petit panier et un écriteau avec « merci » écrit en quatre langues, breton compris.

On s’approche timidement, de peur de le déranger. On commence à lui poser quelques questions, comme ça, pour voir. Il s’en étonne un peu, se demandant pourquoi son activité suscite soudain tant d’intérêt. On lui dit ce que l’on fait, il se demande ce qu’il pourrait bien avoir à raconter. Puis il sourit, un tantinet gêné, mais son visage trahit une sorte d’étonnement amusé. Alors il répond. Il donne des réponses courtes, évasives, suivies de silences où le regard se perd volontiers vers cette jolie vue. Mais il répond, toujours. 

Pourquoi lui, d’ailleurs ? Parce que Gégé et sa femme font bénévolement ce que peu d’entre nous – voire aucun, soyons honnêtes – accepterait de faire : ils s’occupent de l’entretien des toilettes. On pourrait presque les qualifier de bénévoles professionnels car ils n’en sont pas à leur première fois. Loin de là, confirme Gégé : « Ca fait plus de 11 ans que je fais ça au festival Interceltique. Ils avaient mis une annonce. Je suis le seul à avoir répondu…». Silence, à nouveau. Forcément, on lui demande pourquoi il fait cela bénévolement alors qu’une société pourrait le faire. « Moi, ça me plaît de le faire ! ». Pourquoi ? « Parce que… ! ». répond-il, avec évidence. La raison se passe de plus amples explications et l’on n’ose le questionner davantage. Jusqu’à ce que surgisse un simple « Et puis tout le monde me respecte ».

 Peut-être parce qu’il le fait méticuleusement. Car c’est un perfectionniste, Gégé. Il aime avoir « ses petits trucs », peaufiner l’accueil, le confort, la propreté. Sa femme confirme : « Ah ça oui, c’est un maniaque ! ».  Sa femme ? Oui, elle aussi s’occupe des toilettes. Elle prend sur ses congés pour l’accompagner. Il paraît même que leur fille donne de temps en temps un coup de main, pour racheter un produit d’entretien ou deux. Postée à un autre point du site, la vue de Madame est plus bouchée, installée à côté du centre de secours de la sécurité civile. Mais cela semble lui convenir, tant qu’elle rencontre du monde : « c’est sympa, il y a même des gens avec qui on garde contact ! ».

Pendant la conversation, une personne passe. Puis une autre. Et encore une autre… Un salut franc, un timide « merci », une pièce déposée dans le panier. Ici comme ailleurs, les usagers se suivent et ne se ressemblent pas. Et puis on a cherché. Cherché à comprendre ce qui pouvait les motiver. Le panier qui se remplit lentement ? Un peu, mais ce n’est pas l’essentiel, apparemment. Les rencontres ? Elles en font partie. La satisfaction du travail bien fait ? Assurément. L’envie de se rendre utile ? Egalement. Une incapacité à rester inactif ? Définitivement.

Comments

[philVOR...ne]

quel bel article a autour de personnes qui meritent effectivement le respect. Merci a la journaliste de l'avoir fait pour nous!